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L'avis d' "Emmanuel"...
I) Mon avis
Bien, je voudrais d'abord dire qu'à l'instar de Click, il est évident que
je ne cautionne pas tous les comportements routiers.
Il me paraît évident que ce type de joujou ne doit pas être mis entre
toutes les mains, à commencer par celles de l'adolescent boutonneux qui vient
juste de décrocher son permis de conduire et qui veut flamber devant ses
copains: "mattes: moi j'ai un DDR".
Non, comme il a été justement remarqué, le DDR ne protège pas des
comportements irresponsables et quelquefois criminels de certains de ses
utilisateurs.
Ceci étant dit, je voudrai d'abord rappeler quelques éléments historiques:
la limitation de vitesse n'a pas toujours été en vigueur dans notre pays (je
parle de la France, pour les autres nations, je ne sais pas). Elle date de 1974,
suite à la crise du pétrole et donc de l'énergie provoquée par les pays
membres de l'OPEP, en représailles du soutien du bloc de l'Ouest à Israël,
lors de la guerre du Kippour.
Donc, afin d'endiguer cette crise ou le prix du baril de pétrole avait
flambé (il avait été multiplié par 5), des mesures de limitations de
vitesses ont été instituées, tout comme le chauffage à 19°, d'ailleurs.
Mais ces mesures ne devaient être que temporaires, elles répondaient à
une nécessité ponctuelle, juste de lutte contre l'adversité du moment.
Le problème, c'est qu'elles durent encore aujourd'hui... alors que même si
le baril est revenu à des prix élevés, sa variation courante se situe
normalement dans une fourchette tout à fait acceptable. Le prix du baril est
plus bas qu'au lendemain de 73. Mais le litre d'essence n'a jamais été aussi
haut, et ce à cause des multiples taxes imposées par l'Etat ( le prix de
revient du litre à la pompe HT est d'environ 2.21F ).

Mais dépassons ces arguments économiques pour étudier les véritables
raisons sociologiques :
Quelques temps avant le grand choc de 73, les politiques aimaient se montrer
au volant de leurs bolides et déclarer leurs nouveaux records: citons De Gaulle
au volant de sa Renault 16 lors de l'inauguration de l'A6, ou encore Chirac,
photographié au volant de sa DS pour Paris Match, avec ce commentaire
élogieux: "le jeune ministre qui bricole lui même son bolide nous
déclare atteindre les 180KM/h" etc...
Aujourd'hui pourtant, les mêmes acteurs mis à part De Gaulle, (paix à son
âme), viennent nous chanter une toute autre chanson, à commencer par Jean
Claude Gayssot, notre cher ministre des transport, dont le chauffeur déclare
aux caméras de LCI qu'il "est beaucoup plus au dessus de 160KM/h, qu'en
dessous"...
Alors pourquoi???
Et bien l'Etat dans sa fonction sulcarpatique, s'est érigé en véritable
vampire de l'économie et a soudain réalisé la formidable manne financière
qu'apporte le malheureux monsieur tout le monde pris à 150 KM/h sur une ligne
droite d'autoroute par temps clair.
Bien sûr un mythe ne va jamais sans une bonne propagande: "rouler à
plus de 130, c'est criminel" etc..., propagande elle même entretenue par
la jalousie sociale que suscite le "riche" et sa grosse cylindrée,
forcément suspect et donc coupable.
Pourtant la vitesse en valeur absolue ne signifie rien, et rouler à 50
Km/h dans un marché est certainement plus dangereux que de rouler à 160 sur
autoroute.
Enfin, rappelons que les statistiques sont là pour nous démontrer qu'en
Allemagne, pays ou la limitation de vitesse est libre sur autoroute, le nombre
de personnes tuées sur la route est moindre qu'en France.
Tout ça pour dire quoi?
Et bien oui, arborons nos DDR, car plus qu'une finalité, c'est presque un
geste politique, un geste du faible contre le fort qui crie non à la pensée
unique et au terrorisme intellectuel.
Et puis (et qui me contredira?), d'un point de vue plus pragmatique, je dirai
que l'utilisation d'un DDR procure un véritable attrait au voyage, en laissant
dans l'habitacle le merveilleux goût de l'interdit.
II) Mon conseil
Les conseils juridiques qui vont suivre ne sont donnés qu'à titre
informatif et devront impérativement être repris par un spécialiste du droit
de la circulation routière.
Mon Dieu, je viens d'éviter le radar planqué sous le pont avant le péage.
Une goutte de sueur perle sur mon front.
Le DDR a regagné sa place dans le vide-poches. Je choisis ma file.
5, 4, 3, 2, 1 voiture…et c'est mon tour.
Le moustachu me fait les gros Yeux et je le regarde avec un sourire
faussement décontracté.
Il se penche, ça y est c'est pour ma pomme ! ! !
De sa voie de gascon éraillée il me demande de me ranger sur le côté .
" Monsieur, veuillez me remettre votre détecteur de radars "…
Non, ouf, je me réveille sur l'oreiller encore humide. Ce n'est qu'un
cauchemar, un cauchemar que tous les utilisateurs de DDR on fait au moins une
fois dans leur vie.
Cauchemar certes, mais qui pourrait très bien se transformer en réalité.
Car rappelons-le, le code de la route dispose :
Article R.242-4 :
" Sera punie de l'amende prévue pour les contraventions de la
cinquième classe toute personne qui aura mis en vente, vendu, détenu,
utilisé, adapté, placé, appliqué ou transporté, à un titre quelconque, un
appareil, dispositif ou produit destiné soit à déceler la présence, soit à
perturber le fonctionnement d'instruments servant à la constatation des
infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation
routière ".
Ce qui concrètement signifie que si vous vous faites prendre avec un
détecteur vous encourez une amende de 10 000F (et pas 100 000F ou 250 000F
comme on l'entend souvent).
En outre, l'alinéa 2 de la disposition précise que si le système est
intégré dans le véhicule (type 815 STI), ce dernier sera confisqué à titre
de preuve.
Donc premier conseil, optez pour un système classique amovible, type
pare-soleil et en aucun cas pour un " remote system ", ce qui vous
évitera en cas de complications de repartir à pied.
Ce qu'il faut bien comprendre à ce niveau du raisonnement est que si vous
remettez le DDR au moustachu, vous obtempérez, et il n'y a donc plus rien à
faire.
Le seul avantage sera de pouvoir jouer plus tard devant la juridiction
compétente la carte de la possession, ce qui vous vaudra peut être une
atténuation de peine.
Par contre, vous pouvez aussi et surtout lui déclarer que vous ne comprenez
pas de quoi il veut parler " détecteur de quoi ? ? ? " en prenant
l'air le plus ahuri du monde.
A ce stade, il va vouloir fouiller le véhicule, et c'est précisément
là qu'on le tient.
- Principe : Les libertés publiques assimilent le véhicule à une
résidence particulière, ce qui concrètement signifie que le moustachu n'a
pas le droit de fouiller votre voiture. Concrètement toujours, il lui
faudra obtenir une commission rogatoire pour que lui soit accordé le droit
de fouille.
- Précision : commission rogatoire = acte par lequel un magistrat
délègue ses pouvoirs à un autre magistrat ou à un officier de police,
pour qu'il exécute à sa place un acte d'instruction.
- Exception : Le droit de fouille est accordé à un officier de
police judiciaire sans commission rogatoire à partir du moment ou il
constate de visu l'objet de l'infraction. Ceci signifie que si le moustachu
voit à travers le pare brise ou une des vitres du véhicule le DDR, vous
êtes cuit. Donc une seule parade : il faut le cacher, le mettre dans un
endroit hors de vue d'une personne placée à l'extérieur.
N'hésitez donc pas à lui rappeler les principes susvisés et demandez
lui négligemment s'il dispose d'une commission rogatoire.
Il est bien évident qu'il ne peut en avoir une.
Plusieurs solutions peuvent alors intervenir :
- Il va vous menacer d'appeler le juge compétent pour en obtenir une. Alors
là c'est quitte ou double. Si jamais il parvient à ses fins, c'est
fini pour vous. Mais lorsque l'on connaît la justice, on sait qu'elle est
surchargée et croyez moi un juge d'instruction n'a vraiment pas le temps ni
l'envie de se prêter à ce petit jeu, surtout si nous sommes un dimanche
après midi. Maintenant il est bien évident que ce n'est pas un absolu et
que vous pouvez avoir la malchance de tomber sur un magistrat zélé.
Cependant, j'estime au bas mot à 80% les chances de passer au travers du
filet. Donc laissez le s'égosiller, menacer etc… et allez prendre un
café. Le reste n'est qu'une question de patience et de jeu psychologique, il
ne faut pas craquer, malgré tout ce qu'il pourra vous dire. Comme de
toutes manières il ne pourra pas vous garder ad vitam eternam, au bout d'un
moment, furieux, il vous demandera de reprendre la route et c'est GAGNE !
! ! ! ! ! !
Il n'arrive pas à obtenir de commission rogatoire ou il sait que c'est
pratiquement impossible. Et comme il vient de se faire plaquer par sa femme,
il vous sort manu militari de votre véhicule, fouille consciencieusement et
ressort avec le DDR. Pas de panique, faites simplement constater sur le PV de
police ou de gendarmerie que la fouille a été opérée sans votre
consentement et surtout sans commission rogatoire. Laissez lui votre engin et
repartez serein. Vous ne le savez pas encore, mais c'est gagné pour vous (CF
explication du principe de la double légalité infra).
- Il va vous menacer de faire venir la douane volante, pour qu'elle procède
à la fouille de votre véhicule. Là il a raison : la douane a
effectivement le droit de fouiller sans commission rogatoire. Elle fouillera
donc et inévitablement trouvera le DDR. Ne cédez pas à la panique et
faites ajouter sur le PV que l'infraction a été constatée par la douane.
Car sachez-le, si celle-ci dispose du droit de fouille elle n'en demeure
pas moins incompétente pour dresser les PV d'infraction routière, ou
si vous préférez, la liste des personnes habilitées à le faire est
restrictive et la douane n'y figure pas.
Voilà, vous n'avez plus qu'à attendre la convocation du tribunal (de police
ou du tribunal administratif).
Si ces conseils ont été respectés, et donc si en clair vous n'avez pas
cédé à la pression du moustachu, car encore une fois je le répète si
vous sortez votre DDR spontanément il n'y a plus rien à faire, vous allez
construire toute votre défense autour du non respect du " principe de la
double légalité ", que je vais maintenant exposer en tentant de le rendre
accessible au plus néophyte des lecteurs.
- Précision : Vous serez normalement convoqué au tribunal de
police, qui est une juridiction pénale, donc de droit privé et non de
droit public. Cependant depuis l 'entrée en vigueur du nouveau code pénal,
c'est à dire après le premier Mars 94, un nouvel article 11-5 est
institué qui dispose " Le tribunal statuant en matière répressive
a compétence pour interpréter les actes administratifs (réglementaires ou
non), et à en apprécier la légalité lorsque de cet examen dépend la
solution du procès pénal qui lui est soumis ". Concrètement,
puisque la solution du procès dépend de la légalité de l'acte, le juge
va " changer de casquette ", pour devenir quelques secondes un
juge administratif. C'est donc sur cet angle du Droit public qu'il va
falloir construire sa défense.
- Principe : tout acte administratif, que ce soit une mesure
collective (type interdiction de stationner) ou une mesure individuelle
(type procès verbal) doit respecter une légalité externe et une
légalité interne.
- Légalité externe : Incompétence, vice de procédure, vice de
forme.
- Illégalité interne : illégalité en raison du contenu de l'acte,
illégalité en raison des motifs de l'acte, illégalité en raison du but
de l'acte.
Bien. Restons pragmatique : nous allons contester la légalité externe de
l'acte, c'est à dire encore une fois que la contestation ne portera pas sur
ce qui a été décidé, mais sur la façon dont on a décidé.
Laissons tomber tout ce qui ne nous intéresse pas et attaquons nous à la
base du problème c'est à dire l'incompétence.
- Principe : Il y a incompétence quand une autorité administrative
prend une décision sans avoir qualité pour le faire, c'est à dire alors
qu'elle n'est pas juridiquement habilitée à se comporter comme elle le
fait. La décision peut être à tous points de vue légale. Mais elle
n'a pas été prise par celui qui devait la prendre.
- Précision : Il existe plusieurs types d'incompétence :
matérielle, territoriale, temporelle etc.. Nous ne développerons pas ici
ces moyens sans intérêt pour l'objet de la question. Cependant retenez que
l'incompétence que nous devons soulever est une incompétence
matérielle, c'est à dire celle qui survient lorsqu'une autorité
administrative empiète sur les attributions, différentes des siennes,
d'une autre autorité administrative.
Conclusion
Dés lors il ne se pose plus de problèmes puisque
- dans l'hypothèse numéro 2 (moustachu zélé), l'acte est entaché
d'incompétence ( il n'y a pas de commission rogatoire) .
- dans l'hypothèse numéro 3 c'est la même chose puisque la douane
n'est pas compétente pour constater une infraction routière.
Et c'est gagné ! ! ! !
- Question : Oui mais la suite ? ? ? Quelle est la sanction d'une
incompétence ? ? ? ?
- Réponse : En droit administratif, l'acte entaché d'un vice de
légalité externe sera annulé.
- Précision : L'annulation en droit a un sens très fort, puisque
l'acte est censé ne jamais avoir existé. On dit donc que l'acte est
rétroactivement annulé, c'est à dire que l'on remet les parties au jour
et à la date de l'infraction.
- Finalement : Et bien finalement c'est une fiction juridique :
l'acte est illégal, il est donc annulé, ce qui veut dire qu'on n'a pas pu
vous prendre, ni vous supprimer votre DDR. Pragmatiquement on procède à la
restitution du matériel, c'est à dire à la restitution du détecteur, et
forcément, puisqu'on ne vous a pas pris, on ne peut pas vous infliger la
contravention de 10 000F.
- Bonus : L'illégalité est constitutive d'une faute de service, et
vous pouvez engager la responsabilité de l'Etat pour réparer votre
préjudice (peur, angoisses etc…).Mais ceci est une autre histoire.
Voilà…. Mais je crois que le mieux est encore de ne pas se faire prendre,
et pour cela observez toujours les règles de sécurités.
N'oubliez pas que le moustachu s'il arrive à voir le DDR est en droit de
vous le supprimer, et il n'y aura rien à redire, donc toujours bien le cacher,
ne pas le garder en traversant un village ou en agglomération, vous n'en avez
d'ailleurs pas besoin.
Enfin, rappelez vous qu'en cas de complications la recette du succès passera
par des nerfs en titane laminé.
Je vous souhaite à tous bonne route.
@+.
Emmanuel.
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